Docteur Bindeshwar Pathak, Indien. Il a fond?la Sulhab Academy en 1968 pour suivre l'exemple de Ghandi et redonner dignit?aux "Intouchables".
Fraîchement arrivés en Inde, nous nous rendons jeudi 27 septembre à 20 km du centre de Delhi, à la Sulabh Academy où nous attendent son fondateur, le Docteur Bindeshwar Pathak, et sa vice-présidente, Anita Jha.
Tout de suite nous rentrons dans le vif du sujet: les toilettes. Derrière ce sujet qui peut sembler trivial ou tabou, se cache une révolution, le "Sulabh Sanitation Movement". En 1968, le Dr Pathak, jeune diplômé en sociologie, décide de suivre l’appel lancé par le Mahatma Gandhi. Il va se battre pour la libération des "scavengers", qui en anglais veut dire "nettoyeurs et porteurs d'excréments humains". Cette tâche est depuis la nuit des temps attribuée aux personnes se situant au plus bas de la hiérarchie des castes, les intouchables. Ainsi des hommes et des femmes ramassent avec leurs mains les excréments pour les mettre dans des sceaux qu'ils portent à même leur tête avant d'aller les jeter dans un cours d'eau. L'Inde n’a alors point de système d'évacuation des excréments et très peu de particuliers ont des toilettes privées. La population, à grosse majorité rurale, a alors pour habitude d'aller dehors pour faire leurs besoins, laissant le soin aux "scavengers" de nettoyer.
Environnement et dignit?humaine.
Cette pratique a pour conséquence, en plus de la perte de la dignité humaine de ces personnes, une grave pollution de l'environnement. Les excréments humains, se trouvant dans un premier temps à l'air libre, dégagent des gaz toxiques pour l'environnement. L'excrément humain contient en effet 65% de méthane, 32% de CO2 et d'autres gaz toxiques en plus faible quantité. En plus des fortes odeurs dégagées, lorsque les excréments sont jetés dans un cours d'eau, les microbes contenus dans cette eau polluée contaminent les fruits et légumes et donc les personnes qui les mangent. D'après un rapport de l'UNICEF, 2,2 millions d'enfants meurent encore chaque année de maladies telles que le choléra, la diarrhée, ou la disentrie causées par le manque de sanitaires.
Progressivement, entre 1974 et 1984, plus de 600 000 "scavengers" ont été libérés. Le Dr Pathak a joué un grand rôle dans cette libération en convainquant progressivement les habitants et les autorités publiques de l'importance d'avoir des toilettes. Pour cela, il a fait une importante campagne d'information. Devant la difficulté de parler d’un tel sujet, il a créé un musée (le « toilet museum ») et un spectacle de danse indienne, auquel nous avons la très grande chance d’assister, pour attirer le plus grand nombre de personnes possible. Mais l’atout principal du Dr Pathak demeure le système de toilette économique et pro-environnemental qu’il a créé.
Il s’agit du « Sulabh Shauchalaya System » : il s’agit de toilette nécessitant peu d’eau pour la chasse d’eau grâce à un astucieux tuyaux, et qui sont fabriquées dans des matériaux locaux peu chers. Deux grandes cuves sont enfouies sous terre et reçoivent les excréments. Lorsqu’une cuve est pleine, on utilise l’autre. Elles ont une capacité de stockage de 2 à 10 ans en fonction du modèle. Cela permet aux excréments de se décomposer et de se transformer en une matière solide non toxique. Après 3 ans d’exposition au soleil, ce matériau est ensuite broyé et sert d’engrais en agriculture. En plus de la fabrication de cet engrais naturel, ces
Sulhab Academy en bref
M?ier
Entreprise social et sanitaire
Sp?ificit?/p>
Permet un retour ?la dignit?des cat?ories les plus basses de la population Indienne.
Pourquoi Sulabh est "Coeur Vert" ?
10 mod?es de toilettes qui ne d?agent pas de C0?tout en fournissant de l'?ergie (?ectrique et biogaz).
O?contacter Sulabh Academy ?
cuves ont le grand mérite de ne dégager aucun gaz toxique pendant la décomposition de l’engrais ! Ces cuves coûtent entre 10 et 500 $. Aujourd’hui ce sont plus de 10 millions de personnes qui utilisent ces toilettes ! 7 500 toilettes publiques utilisent également ces « Sulabh Toilets » connues dans toute l’Inde. Pour les usagers, le principe du « use and pay » : chaque personne qui utilise ces toilettes doivent donner quelque chose mais c’est à la personne de décider du montant de cette somme, en fonction de ses revenus.
De l'?ergie ?partir des toilettes !
Très préoccupé par l’environnement, le Dr Pathak a construit avec son équipe un 2 e système de toilettes, qui permet le recyclage et la réutilisation complète des excréments humains provenant de toilettes publiques. Grâce à une cuve et une série de filtres enfouis sous terre, du biogaz est produit. Complètement inoffensif pour la santé, inodore et incolore, ce biogaz est très pratique pour cuisiner. Il peut être utilisé également pour l’éclairage d’un jardin ou encore pour se chauffer. Il permet même de produire de l’électricité grâce à un moteur à gaz. 160 modèles de ce type ont été installés. Un énorme complexe sanitaire, construit dans l’ Uttar Pradesh (Nord de l’inde), possède 175 toilettes, des douches, des lavabos, etc. il est autosuffisant énergétiquement grâce à la réutilisation des excréments. Les 2 technologies de la Sulabh Academy s’exportent désormais dans plus de 19 pays, avec notamment un centre sanitaire créé à Kaboul, en Afghanistan.
Nous étions venus voir le Dr Pathak pour ses modèles de toilettes écologiques et c’est à ce titre qu’il a bien voulu nous recevoir. Mais derrière ce projet, nous y avons découvert un projet politique, avec la libération des « scavengers », et un volet social et sanitaire. En effet, la Sulabh Academy a créé une école où enfants d’intouchables et d’autres castes sont, à la même enseigne, instruits et formés à divers métiers, sans préoccupation de leur caste.
Nous sommes repartis en fin d’après-midi, épuisés par la chaleur et le nombre d’informations à intégrer, mais émerveillé par l’apport environnemental de son projet et l’accueil chaleureux que nous ont réservés le Dr Pathak, Anita, le reste de l’équipe et l’ensemble des enfants de l’école.